Mission “Sam”

Mission “Sam” – Elavagnon (Togo)

#29 Novembre au 6 décembre 2024#

Après notre première mission en 2023, une question avait surgi et ne nous avait plus quittés : et si, pendant la sensibilisation, nous découvrons une anomalie, que faisons-nous dans un contexte où il existe si peu de moyens de prise en charge ?
C’est de cette réflexion qu’est née Mission Santé Mammaire, un projet construit autour de quatre axes :

  • Education, Sensibilisation et prévention au dépistage précoce du cancer du sein

  • Prises en charge chirurgicales en toute sécurité pour des indications de Santé Mammaire

  • Formation des soignants et des chirurgiens locaux aux techniques « modernes »

  • Étude sur la perception de la poitrine dans les différentes cultures, afin de mieux adapter nos messages.

Le départ vers l’inconnu

En novembre 2024, nous sommes retournés au Togo, accueillis à nouveau par l’Hôpital de l’Ordre de Malte à Elavagnon. Nous partions avec nos valises remplies de matériel, dont des kits chirurgicaux offerts par un laboratoire bordelais (Med 33). Mais l’incertitude était grande : les premiers cas recensés par nos collègues locaux semblaient davantage relever de douleurs mammaires bénignes que d’indications chirurgicales. Allions-nous réellement opérer ?

Une semaine dense et bouleversante

Avant notre arrivée, tout au long du mois d’Octobre, l’hôpital avait diffusé un message à la radio invitant les femmes à venir consulter avec l’information de notre venue.

L’appel a été entendu : en 2 jours, près de 40 femmes se sont présentées. Certaines souffraient d’hypertrophie mammaire, avec des douleurs dorsales et cervicales invalidantes ; d’autres avaient des tumeurs bénignes déformant leur poitrine. Trop souvent, nous avons aussi rencontré des cancers déjà trop avancés pour une prise en charge chirurgicale première.

Au terme des consultations, cinq indications chirurgicales   avaient été posées. Trois  patientes ont finalement pu être opérées.

Le bloc opératoire

Les interventions se sont déroulées dans un bloc opératoire simple mais très fonctionnel. Les moyens étaient limités, mais la sécurité des patientes a toujours été garantie grâce à l’engagement remarquable des équipes locales. Anesthésistes, infirmiers, soignants : tous se sont montrés d’une disponibilité et d’une curiosité exemplaires. Leur envie d’apprendre, de comprendre et de participer a rendu chaque geste plus fluide, chaque moment plus fort.

Le poids des tabous

Parmi toutes les histoires, une m’a profondément marquée. Une femme, prévue pour une intervention de mastectomie avec curage axillaire, avait passé la nuit à l’hôpital. Le matin, nous avions longuement échangé, et elle semblait prête. Mais avant d’entrer au bloc, elle a voulu téléphoner à son mari. Après cet appel, elle a refusé l’opération …C’est elle sur la photo…
Pour elle, comme pour beaucoup d’autres, la perspective d’une mastectomie signifiait l’exclusion : perdre un sein, c’est risquer d’être rejetée par son mari et sa famille. Ce poids culturel est immense, parfois plus fort encore que la peur de la maladie elle-même et de la mort.

Réflexions et perspectives

Cette mission a confirmé l’écart immense entre nos standards occidentaux et la réalité de ces régions sous dotées et limitées pour l’accès au soin.

Nous savons qu’un dépistage précoce conduit à des traitements efficaces et à des taux de survie élevés. Mais ici, le dépistage organisé n’est pas une réalité.

Comme le préconise l’OMS il faut penser un dépistage adapté aux ressources et centrer les efforts sur:

  • la promotion de l’auto-examen et l’examen clinique des seins par du personnel communautaire.

  • Garantir un circuit simple avec biopsie/échographie dans les hôpitaux régionaux. Accepter que la mammographie reste pour l’instant limitée aux grandes villes.

  • Offrir un accès aux soins dans un centre de référence avec une équipe médicale formée durablement et autonome.

Ce que je retiens

Cette mission a marqué une étape importante. Elle a montré qu’il est possible d’opérer en toute sécurité, de former des équipes locales et de commencer à briser les tabous. Mais elle a aussi révélé l’urgence : celle d’adapter le dépistage aux réalités africaines, et de donner aux soignants les moyens de prendre en charge leurs patientes. Ce que je retiens, c’est une conviction : nous devons poursuivre, renforcer et inscrire ces actions dans la durée.

Dr Amélie Gesson-Paute, Vice-Présidente Keep a Breast Association

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