“Les premiers pas”
Mission Santé Mammaire – Elavagnon (Togo)
#22-29 Novembre 2023#
En novembre 2023, j’ai eu la chance de participer à ma première mission humanitaire au Togo avec
l’association Keep a Breast. Nous avons été contactés par l’Hôpital de l’Ordre de Malte (organisme
caritatif millénaire) à Elavagnon au Togo, qui souhaitait faire une campagne de sensibilisation et de
prévention au cancer du sein, dans cette régions des Hauts Plateaux, région sous dotées et limitée pour
l’accès aux soins.
Nous étions 4 dans l’aventure : Maritxu Darrigrand, présidente de l’association, Lorène Carpentier, Global
CEO, son assistant vidéaste Hugues, et moi-même, chirurgienne spécialisée dans la prise en charge des
cancers du sein.
Cinq jours intenses à l’Hôpital de l’Ordre de Malte
Pendant cinq jours, nous avons animé une série de formations et de sensibilisations. Une trentaine de
soignants – médecins, chirurgiens, infirmiers et sages-femmes – ont participé activement à nos ateliers.
Notre objectif était double :
• transmettre les gestes d’autopalpation et les bases de la prévention
• donner aux soignants des outils concrets pour accompagner leurs patientes dans la détection
précoce.
L’implication a été remarquable. les hommes, les femmes, tous ont porté une attention sérieuse le tout dans
une ambiance décontractée propice aux échanges et aussi aux rires.
Ce moment a levé beaucoup de barrières autour des tabous et a rendu la formation à la fois pédagogique
Au fil des échanges, certaines phrases nous ont profondément frappés : elles disent, mieux que des chiffres,
la peur et le silence qui entourent le cancer du sein.
Certaines femmes redoutent tellement le cancer qu’elles croient qu’y penser, c’est déjà l’inviter… Alors elles
préfèrent détourner le regard, jusqu’à renoncer à s’examiner. Cette réalité rappelle qu’il reste un immense
travail à accomplir pour briser les tabous, combattre les fausses croyances et libérer la parole autour de la
santé des femmes.
Une journée en stratégie avancée
Au-delà de l’hôpital, nous avons eu la chance de passer une journée en stratégie avancée, dans un village.
Le principe est simple : une équipe médicale se déplace pour organiser des « causeries », ces rencontres
collectives où l’on surveille la croissance des enfants (pesées, conseils nutritionnels) et où l’on échange avec
la communauté.
Nous avons profité de ce temps pour parler aux femmes de santé mammaire, de l’importance de l’auto
palpation et du suivi médical. Grâce à notre accompagnateur, qui traduisait dans le dialecte local, nous
avons pu réellement entrer en contact avec elles. Leur curiosité, leurs sourires et leurs questions m’ont
profondément marquée. C’était une rencontre d’égal à égal, un partage de savoirs mais aussi un échange
de confiance.
Le constat difficile
À la fin de cette mission, nous étions toutes et tous bouleversés par ce que nous avions vu. L’immense
inégalité face au cancer du sein est apparue de manière flagrante : inégalité de connaissance, avec une
maladie entourée de tabous, mais aussi inégalité de prise en charge et donc de traitement.
Une question s’est imposée à nous : et si, pendant la sensibilisation, nous découvrons une anomalie, que
faisons-nous ?Nous avons alors ouvert un dialogue avec les chirurgiens de l’hôpital. Deux d’entre eux, particulièrement motivés, ont exprimé leur volonté d’aller plus loin. L’idée a germé d’une nouvelle étape : revenir, préparer des cas, et opérer sur place tout en formant les chirurgiens locaux.
Ce que je retiens
Cette première mission a été une expérience fondatrice. J’ai découvert la puissance de la transmission,
mais aussi les limites de l’action si elle ne s’accompagne pas de moyens de prise en charge.
Nous avons ressenti avec force combien la perception de la poitrine varie d’un pays à l’autre.
Ces différences culturelles influencent directement la manière dont les femmes envisagent la prévention et
l’examen, et soulignent l’urgence d’adapter les messages, les mots et les actions à chaque contexte.
Former, sensibiliser, rassurer : des gestes simples, essentiels, mais qui doivent s’inscrire dans une continuité.
Cette semaine n’était qu’un début. Elle a ouvert une réflexion profonde et, surtout, elle a tracé une
perspective pour les missions à venir : allier prévention, dépistage adapté aux ressources, soins et levée
des tabous.
Dr Amélie Gesson-Paute, Vice-Présidente Keep a Breast Association